Lions Club Neuilly Bords de Marne

vendredi 10 septembre 2010

Avoir vingt ans à Chipyong Ni par Michel ROSSI


(Extrait et condensé du livre témoignage de Michel ROSSI)

" À partir du Mardi 30 Janvier 1951, toute la 2ème Division US essaie de former une nasse immense pour attraper les Chinois. La division va former un grand "U" dont les branches seront dirigées vers le nord et écartées de plus de 20 kilomètres. Ce n'est pas une mince affaire et plutôt audacieux; les Chinois sont très supèrieurs en nombre dans une proportion de dix contre un...

....Le troisième bataillon du 23ème régiment US et le bataillon Français démarrent en direction de Chipyong Ni par des routes et des pistes verglacées et glissantes ... Les compagnies avancent en "pitonnant" sur les hauteurs qui bordent la route. Les pentes enneigées sont verglacées et si abruptes qu'il faut grimper à l'aide des mains. Le général MONCLAR fait lui aussi la grimpette pour encourager ses gars. Arrivés le soir à quatre kilomètres de Chipyong Ni, les deux bataillons s'installent autour et dans une vallèe que les Américains appellent "Twin Tunnels". Il y a en effet deux tunnels de chemin de fer, un de chaque côté de la route. C'est l'endroit où, il y a deux jours, une patrouille américaine est tombée dans une embuscade tendue par les Nord-coréens.

Nous découvrons d'ailleurs ce qu'il en reste. Une jeep à moitié retournée est restée en équilibre au dessus du petit précipice surplombant la rivière, est retenue par un petit arbre. Retenu par le volant, le corps d'un jeune lieutenant américain.... Plus loin nous découvrons les carcasses de dix autres jeeps et quelques cadavres. Sur les rails de la voie ferrée à la sortie du premier tunnel, une quinzaine de corps sont alignés côte à côte, leurs mains encore attachées dans le dos. Ce sont des Américains, les "prisonniers" de la patrouille Nord-coréenne...

Le bataillon US prend position sur les pitons à droite de la route et les Français du BF/ONU à gauche. La Première compagnie grimpe sur le piton "453", celui-ci surplombe la profonde vallée perpendiculaire à la route. Sur les pitons de gauche au sud s'installe la "Deux", puis au nord grimpe la "Trois"; La compagnie "ROK" va se placer entre les deux.

Ma compagnie, la "CA" barrera la vallèe...Ses mitrailleuses s'installent sur un petit piton, à l'entrée de la vallée. Notre section quant à elle est envoyée au fond de cette sinistre vallée qui est un véritable coupe gorge. Elle doit prendre une position peu enviable dans le petit hameau, qui a le nom de Munchon, où elle sera absolument seule, les Chinois non comptés, bien sûr!

Notre situation est d'autant peu enviable que nous sommes ici en avant des des lignes des autres forces des Nations Unies.... ...Quoiqu'il arrive, nous ne pourrons compter sur aucun secours... - ..C'est une folie... d'envoyer ainsi une vingtaine d'hommes équipés d'armes lourdes, comme les 75 SR, pour barrer de nuit une vallée à des fantassins ennemis. D'autant que ceux-ci sont environ dix fois supèrieurs en nombre à nos deux bataillons américano-français réunis...

... Tout se déclenche vers cinq heures du matin: sur les hauteurs, des explosions, des tirs d'armes automatiques, vite suivis de cris et appels aux brancardiers, enfin, tout ce qui marque un très violent accrochage, retentit, mais ce n'est pas un simple accrochage, ce sont des tas d'accrochages qui embrasent les pitons.... ... Par radio, le lieutenant reçoit l'ordre de ramener mon groupe sur la route... ...Les bruits intenses de la bataille continuent sur les hauteurs...

Le jour se pointe enfin, avec malheureusement un plafond trop bas pour que les avions puissent nous venir en aide, ... la situation dans son ensemble n'est pas brillante pour nos deux bataillons alliés. Les Chinois ont attaqué en nombre de partout et la situation est très critique. Nous apprenons que dans Munchon tout a vraiment très mal tourné. Ils ont été complètement débordés par les Chinois.. Nous partons à l'escalade d'un piton verglacé pour nous porter au secours d'une mitrailleuse de la compagnie CA en difficulté dont les servants se font descendre par des "snipers" les uns après les autres. En arrivant nous entendons le dernier tireur de la mitrailleuse blessé qui crie en appelant sa mère...Il est sèrieusement touché et deux gars l'évacuent....Nous reprenons la mitrailleuse et devenons aussitôt la cible privilègiée de l'adversaire.. Étant couché à plat ventre, c'est bien la première fois de ma vie que des balles me passent sous le ventre...Elles passent dans l'épaisseur de la neige en dessous de nous...

Les pertes alliées sont très lourdes, mais avec l'aide de l'aviation, le front est tenu et l'ennemi, décimé, est battu.... Mais il ne faudrait pas que mes silences et le masque de légèreté de mes propos dans mon livre faussent la réalité de l'enfer vécu par ceux du Bataillon Monclar et par nos Compagnons d'arme Américains. Je garde profondèment gravé dans mon souvenir ce 1er Fèvrier 1951 aux combats au corps à corps, contre l'énorme masse d'une division chinoise, la 125ème, que nos deux bataillons franco-américains, seuls, ont dû affronter en territoire ennemi. "

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